C’est un succès pour l’Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire (CERN) à Genève. Aujourd’hui, 10 Septembre 2008 à 10h28, le premier faisceau de protons vient de faire un tour complet dans le plus puissant accélérateur de particules du monde : le LHC (Large Hadron Collider). Voir le billet précédent intitulé Le LHC au CERN pour plus d’informations sur cette machine de 27 km de circonférence enfouie à 100 mètres sous la frontière franco-suisse.
Le premier proton ayant fait un tour complet du LHC
La mise en service
Les premiers essais d’injections de particules dans le LHC ont été réalisés le 8 aout dans le sens horaire et le 22 aout dans le sens anti-horaire avec succès (voir résumé).
Image du premier paquet de protons ayant circulé dans une portion du LHC le 8 août 2008 au point 3 lors du test d’injection du faisceau en sens horaire
Quand on regarde la complexité de la machine, le temps de construction (plus de 10 ans) et le nombre de personnes impliquées dans ce projet (environ 8000 personnes), la mise en service a été relativement rapide et a rencontré peu de problèmes grâce aux excellents outils de contrôle et de diagnostique mis en place au CERN dans la nouvelle salle de contrôle (CCC : CERN Control Center) qui centralise tout le contrôle des différents accélérateurs. Ce matin Lyn Evans, le chef du projet LHC disait « je ne sais pas combien de temps cela va prendre de faire un tour complet de la machine, pour le LEP (l’ancien accélérateur du CERN), cela a pris 12h. » Finalement, cela aura pris 50 minutes ce matin pour faire un tour complet, mais cela fait plus d’un mois que tout le monde s’entraine et que les premiers tests ont été réalisés.
Le CERN Control Center situé sur le site de Prevessin ce matin en effervescence
Le premier faisceau
Aujourd’hui, le premier faisceau de particules vient de faire un tour complet de l’accélérateur à une énergie réduite de 0,45 TeV (soit 6.4% de l’énergie nominale du LHC qui est de 7 TeV). Voir plus d’informations sur la page web LHC first beam. Le CERN espère faire fonctionner la machine à 70% de sa puissance avant la fin de l’année, soit une énergie de 5 TeV et à pleine puissance dans les 2 prochaines années.
Le premier faisceau traversant le détecteur ATLAS
Cet événement historique est un succès pour le CERN et les 8000 techniciens, ingénieurs et physiciens de 80 pays différents qui ont contribué à ce projet titanesque qui marquera l’année 2008. Ce premier faisceau symbolise une « réussite technologique », reste maintenant la « réussite physique » à
accomplir. En effet, la prochaine étape est le bon déroulement des collisions de particules au centre des gigantesques détecteurs ainsi que l’archivage et l’analyse des millions de données produites par ces collisions.
Le LHC ne présente aucun risque
Pris dans son ensemble, l’univers est le théâtre de plus de dix mille milliards de collisions du type LHC à chaque seconde. La possibilité que ces collisions aient de dangereuses conséquences est incompatible avec les observations des astronomes : les étoiles et les galaxies sont toujours là.
Certaines personnes essayent de faire croire que « les collisions de particules [dans le LHC] pourraient favoriser l’apparition de micro-trous noirs. Ces derniers pourraient aspirer le monde et le faire disparaître. Le risque est suffisamment élevé pour que le projet soit stoppé ».
Une plainte a été déposée au tribunal de Hawaï au mois de mars par Walter L. Wagner, titulaire d’un doctorat en droit et qui a étudié la physique à l’université de Californie, et Luis Sancho, écrivain et chercheur en Espagne. Ils avaient déposé la même plainte en 1999 pour l’accélérateur de particules américain du
Brookhaven National Laboratory (BNL) près de NewYork mais la plainte était restée sans suite, les autorités se déclarant incompétentes. Évidemment, il n’y a eu aucun incident près de New-York, pas plus qu’il n’y en aura à Genève.
Une autre plainte a également été déposée à la Cour Européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg par un biochimiste et un théoricien du chaos (qui n’ont aucune compétence pour juger sérieusement des risques du LHC). La plainte a été rejetée sans surprise par la cour la semaine dernière.
Ces plaintes n’ont aucun fondement physique et ont toutes été rejetées. Le LHC Safety Assessment Group (le Groupe d’évaluation de la sécurité des collisions du LHC ou LSAG) a réactualisé l’analyse menée en 2003 par le LHC Safety Study Group (Groupe d’étude sur la sécurité du LHC), un groupe de scientifiques indépendants et a démontré qu’il n’y avait aucun risque quant à la mise en service du LHC. On peut également consulter dans le dernier numéro du Journal of Physics G: Nuclear and Particle Physics l’article intitulé « Review of the Safety of LHC Collision ».
Les médias et le CERN
Dans ces histoires, j’ai l’impression que des gens profitent du démarrage du LHC et de la puissance des médias auprès du public pour se mettre sous les projecteurs. Quoi de plus vendeur pour les journaux que les titres du style « La menace fantôme du trou noir » dans le numéro de Libération du 5 Septembre 2008 ou encore « La Terre aspirée par un trou noir » dans L’Express du 4 Avril 2008. On va jusqu’à pronostiquer l’Apocalypse dans le Nouvel Observateur du 8 Août 2008 qui titre « La fin du monde commencera t-elle en Suisse ? » ou encore «La fin du monde pour le 10 Septembre », dans le 7 sur 7 du 1er Septembre 2008. Le seul quotidien qui ne fait pas une tournure alarmante est Le Monde du 26 Juin 2008 : « Aucun trou noir n’engloutira la Terre à la frontière franco-suisse ». Je tiens également à signaler l’excellente émission du « Téléphone Sonne » animée par Alain Bédouet sur France-Inter hier soir au sujet du démarrage du LHC (Podcastable ici).
Google nous fait également l’honneur aujourd’hui de mettre son logo à l’image du LHC :
A l’étranger aussi le débat fait rage. On pouvait voir dans le Sun magazine en Angleterre le titre accrocheur « End of the world due in nine days » le 1er septembre ou encore « Asking a Judge to Save the World, and Maybe a Whole Lot More » dans le New York Times du 29 Mars 2008. La Tribune de Genève titrait le 6 Septembre « La nouvelle installation du CERN éveille les craintes les plus farfelues » en énumérant toutes les théories loufoques avec extraterrestres, mondes parallèles et théorie du complot à la clef (voir ici l’article), on nage en plein délire….
Pour plus d’informations :
Bravo Benjamin Bradu et le CERN. C’est une belle réussite pour la physique.
C’est vrai, la façon dont la presse s’est emparée de cette histoire rocambolesque de trou noir est tout à fait étonnante. Merci de nous avoir retracé, et recadré, le débat.
Bravo !Que c’est excitant !!!!
Fabuleux
Merci pour toutes ces infos…C’est dommage que le lancement ne se soit pas fait pendant que j’y étais encore… :-(Maintenant, on attend les résultats… 😉
J’aurais tendance à être un peu moins catégorique sur cette affaire du trou noir. Il semble que certains chercheurs du CERN se sont réjouis de la publicité que ça leur a fait et de l’opportunité que ça a créé d’avoir un micro qui se tend. De fait, il est osé d’imaginer que toutes choses égales par ailleurs, la couverture médiatique du LHC eût été la même sans cette histoire — ce qui incite plutôt à percevoir toute discussion autour du LHC, quelle soit motivée par l’excitation de la curiosité pure ou la peur de la fin du monde, comme une bonne chose pour la science…
Salut,je ne suis pas d’accord avec toi Enro (c’est assez rare pour être souligné 😉 ) . Je trouve cette histoire de trou noir assez malsaine, surtout si le CERN l’a exploitée. Cela correspond trop à l’image du savant fou; de plus, il me semble que certains medias ont pris cette histoire très au sérieux (arrêt sur images avait relevé un quotidien suisse qui titrail « la fin du monde ») ce qui revient à mettre sur le même plan de vrais scientifiques avec des crackpots. Et puis certaines personnes ont eu vraiment peur de la fin du monde, et rien que pour ça, je trouve que c’est très très limite.
Bon, quelques points pour essayer d’argumenter mon propos :
au moins un ingénieur du CERN que j’ai entendu se féliciter de cette affaire : Stephan Petit
on dit parfois que la culture, c’est ce à propos de quoi on peut s’engueuler. Or dès que l’on se dispute à propos de science, que celle-ci semble entrer dans le champ de ce dont on discute et qu’on ne réserve plus aux experts, on voudrait aussitôt la voir en ressortir !
je suis malheureux pour cette jeune indienne qui s’est suicidée mais dans l’ensemble, je crois que même les personnes les plus préoccupées ont fini par se ranger du côte de l’avis des scientifiques du CERN, qui a quand même bien été rapporté un peu partout
il n’y a pas de fumée sans feu et si cette affaire a eclatée, c’est sans doute parce qu’il y a l’image latente du savant fou (comme le souligne Tom) — qui s’ancre aussi dans ce paradoxe que les physiciens s’attendent à être surpris mais nous laissent croire qu’ils maîtrisent tout — mais aussi sans doute parce que le terrain n’a pas été suffisamment préparé en amont : dialogue avec les communautes locales etc.
Malgré l’incident qui vient de se produire lors des tests de passage à 5 Tev, ce qui entraine un report d’au moins deux mois, si le CERN n’arrête pas ses accélérateurs de décembre à mars comme il est d’usage afin de minimiser les coûts de l’énergie électrique, il y a de quoi se réjouir sur la prouesse scientifique et technique.
BLOG(fermaton.over-blog.com)
No-11, NEUTRINO. UNE NOUVELLE THÉORIE EN PHYSIQUE ??
[…] vous rappelle que les premiers faisceaux de protons ont circulé dans le LHC à partir du 10 Septembre 2008 mais que 9 jours plus tard, un incident sur une interconnexion électrique s’est produit. […]