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Automatique 2

Evidemment, avant de lire cet article, il faut lire l’article Automatique 1.

Je vais ici m’intéresser à la modélisation et à l’identification. Le lecteur pourra trouver plus de détails concernant les simulations numériques dans l’article « de l’expérience à la simulation ».

Pour automatiser un système quel qu’il soit, la vitesse d’une voiture, la température d’une pièce, la trajectoire d’une fusée ou une centrale nucléaire, ça paraît logique de bien connaître le système en question !

 La première approche paraissant naturelle est la modélisation rigoureuse des phénomènes physiques. Pour contrôler la vitesse d’un moteur électrique on peut le modéliser grâce aux équations électriques ou bien en utilisant les équations électromagnétiques. On est déjà confronté à deux choix possibles. Le gros problème de la modélisation c’est de savoir ce qu’on veut modéliser ! Attention, cette question est loin d’être triviale. Premièrement, on peut modéliser un système de manière statique ou dynamique. Une modélisation statique ne fait pas intervenir le temps. Par exemple, on dit que la vitesse de la voiture est égale à la moitié de la pression sur l’accélérateur pour reprendre l’exemple de l’article précédent (si on enfonce l’accélérateur à 50% on roule à 100km/h). Une modélisation dynamique consisterait à dire que la vitesse de la voiture est égale à 0.5* accélérateur*exp(-1/10t). Cela signifie que la voiture met 10 secondes pour atteindre pratiquement sa vitesse finale de manière inversement exponentielle. Ensuite on peut aborder le problème de manière continue ou discrète, voire hybride. Par exemple si dans un système on a une vanne ouverte ou fermée, on ne va pas la modéliser de manière continue. Comment choisir ? Eh bien avec l’expérience et quelques règles. Cela dépend quelle précision on souhaite et si on s’occupe du temps ou pas…

Il existe néanmoins une autre technique nommée identification, très utilisée pour modéliser les systèmes en automatique. En effet, les modèles rigoureux sont souvent très lourds à manipuler même avec nos ordinateurs puissants. L’identification permet d’obtenir un modèle avec exactement ce que l’on veut. Cette méthode se base sur l’observation et sur des déductions empiriques, néanmoins, cette théorie fortement mathématique et statistique à fait ses preuves plus d’une fois et peut même s’avérer meilleure qu’un modèle rigoureux qui ne peut pas prendre en compte des phénomènes stochastiques. Pour ceux qui ne connaissent pas l’adjectif « stochastique », il s’oppose à « déterministe ». Un phénomène stochastique est un phénomène aléatoire dont on ne peut prévoir le comportement. Par exemple, quand il pleut, les gouttes de pluie ne tombent jamais au même endroit, elle se répartissent de manière stochastique sur le sol car ce phénomène dépend de trop de facteurs que l’on ne peut pas prendre en compte. L’identification fait appel à la technique de la boite noire (on peut également parler de boite grise quand tout n’est pas inconnu). Cette technique suppose qu’on ne connaît absolument pas le système étudié, c’est une boite noire. On s’intéresse uniquement à ses entrées (que l’on veut manipuler) et à ses sorties (que l’on veut contrôler). On va venir, grâce à un protocole de mesures sur le système en question, élaborer des relations mathématiques entre ces entrées et ces sorties.

Prenons comme exemple une colonne de distillation utilisée dans les raffineries de pétroles pour séparer le butane du propane à partir de GPL (je ne prends pas cet exemple complètement au hasard).

 

A titre d’information, le modèle rigoureux de cette colonne comporte 2789 grandeurs physiques, manipule des matrices jacobiennes de taille 165×165 avec 39 sous-systèmes couplés de manière non-linéaire pour plus de 200 équations différentielles (ça parle sûrement pas à tout le monde mais on retiendra que c’est très compliqué). Avec l’identification, ça se résume à 4 équations algébriques linéaires. Explications :

On veut contrôler les concentrations de butane et de propane en manipulant deux débits qu’on appellera par souci de simplicité débit A et débit B. On va venir faire varier le plus aléatoirement possible les deux débits pour voir ce que ça donne au niveau des concentrations : on observe et on mesure. Attention, la théorie adéquate permettant de faire ça scientifiquement n’est pas facile, c’est de la statistique. Grâce à toutes les données recueillies on peut déduire des relations entre toutes les grandeurs à l’aide de différents algorithmes. Exemple de résultat : la concentration de butane est égale à 2 fois le débit A d’il y a 5min plus 1 fois le débit B d’il y a 3min moins 4 fois le débit A actuel. Voilà, on fait une identification et on a un modèle simple, empirique. Il n’y a aucune réalité physique dans ce modèle, c’est juste ce que l’on observe en moyenne. Evidemment le modèle obtenu en réalité est un peu plus complexe, il y a 150 coefficients dans chaque équation.

Une fois ce modèle obtenu, on peut l’étudier pour ensuite le contrôler. Avant de mettre en œuvre un contrôle sur un processus réel, on le simule dans tout les sens pour vérifier que la stabilité sera bien vérifiée. Parfois il en faut peu pour rendre un système instable. Avouez que ça serait dommage que l’alternateur d’une centrale nucléaire ou d’un barrage s’emballe. Et pourtant ce genre de problème arrive assez souvent. Je me rappelle avoir vu en cours la photo d’un rotor de barrage fendu comme un épi de maïs.

On se rend compte ici qu’un automaticien doit être pluridisciplinaire. En effet, automatiser un alternateur de centrale, une colonne de distillation, une voiture, un système de ventilation ou une fabrique de béton, ce n’est pas pareil. Il faut avoir des connaissances en électricité, en chimie, en électrotechnique, en thermodynamique, en mécanique des fluides… D’autant que tout ceci nécessite de bonnes connaissances en programmation, instrumentation et statistique.

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La science pour tous

Ingénieur au CERN (Organisation Européenne pour le Recherche Nucléaire) à Genève, Suisse.

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