Après mon billet « Ça pèse combien une particule ? », je m’attaque ici à la taille des particules…
Conversation avec ma fille de 8 ans sur la taille d’un atome :
- Papa, c’est grand comment un atome ?
- C’est petit.
- Mais petit comment ?
- Plus petit que ce que tu connais de plus petit.
- Plus petit qu’un grain de sable fin ?
- Oui.
- Plus petit qu’un microbe qui est invisible ?
- Oui.
- Mais alors, petit comment ?
- Tu vois le lac Léman, à coté de Genève, à côté de chez nous ?
- Oui, c’est super grand, on ne voit même pas de l’autre côté.
- Tu as raison, ce lac est le plus grand d’Europe de l’ouest. Il fait 73 km de long pour 14 km de large et 300 m de profondeur. Il contient 89 milliards de mètres-cubes d’eau. Comme il faut environ 5 baignoires pour faire un mètre-cube, le lac contient environ 450 milliards de baignoires.
- C’est beaucoup.
- Oui. Et tu vois la taille d’une goutte d’eau ?
- Oui, c’est tout petit.
- Alors maintenant imagine le nombre de gouttes d’eau dans le lac Léman.
- Ouaaaaaaou. C’est un truc énorme !!
- Oui, c’est un très grand nombre. Tu te rappelles ton grain sable dont tu me parlais au début ? Une des choses les plus petites que tu puisses voir ?
- Oui… Quel est le rapport ?
- Eh bien, dans ce grain sable fin, il y a autant d’atomes que de gouttes d’eau que dans le lac Léman.
- Maintenant j’ai compris papa, un atome, c’est petit !

Détail du calcul pour les plus grands :
- Lac Léman = 89e9 m^3
- 35 gouttes d’eau dans 1 ml : 1 goutte d’eau = 2,9 e-8 m^3
- Lac Léman = 3,1e18 gouttes d’eau
- 1 grain de sable fin possède un diamètre d’environ 150 microns.
- Volume du grain de sable fin = 1,8e-12 m^3
- Un atome possède un rayon d’environ 1 Angström (1e-10 m)
- Le volume correspondant d’un atome = 5,2e-31 m^3
- Nombre d’atomes dans un grain de sable = 3,4e18
Atome, proton, électron : quelle taille ?
Dans mon calcul ci-dessus, on compte les atomes dans un grain de sable. Eh bien un proton, et à plus forte raison un électron, c’est encore plus petit car un atome est rempli essentiellement par du vide !
En effet, si on prend l’atome le plus simple, l’hydrogène, qui est formé d’un seul proton et d’un seul électron, on a un diamètre total d’environ 0,5 Angstrom, soit 5e-11 m. Le proton quant à lui a un rayon de l’ordre du femtomètre (1e-15 m), soit 5 000 fois plus petit ! Et l’électron, lui, tient la palme dans le sens où on ne connait pas vraiment sa taille, on le considère comme un point sans occuper le moindre espace. Expérimentalement, on a cependant validé qu’il était plus petit 10e-22 mètres, soit au moins mille milliards de fois plus petit qu’un atome !
Donc pour revenir à notre échelle, si l’atome d’hydrogène avait la taille d’un terrain de foot, alors le proton ferait la taille d’un pois chiche au centre du terrain. Quant à l’électron, il serait toujours invisible…
La taille du proton : Une controverse qui fait rage
Oui, j’avoue que dans votre quotidien, il vous importe peu qu’un proton aie une taille de 0,00000000000000084 mètre ou de 0,00000000000000088 mètre (on parle de 0,84 femtomètre ou 0,88 femtomètre). Pourtant, il y a deux écoles dans le monde pour mesurer la taille du proton à l’aide de deux méthodes différentes et chacune donne une valeur différente, soit autour de 0,84 femtomètre, soit autour de 0,88 femtomètre. La différence est notable, 5% de différence, et pour les physiciens, ces deux valeurs sont inconciliables ! Cependant, depuis quelques mois, les physiciens commencent à confirmer la plus petite valeur de 0,84 femtomètre.
La première méthode, dite de diffusion d’électrons, était jusqu`à présent la méthode « classique » pour définir le rayon du proton. La méthode consiste à envoyer des électrons ayant des propriétés bien connues à travers un nuage d’hydrogène qui va venir diffuser ces électrons : les électrons vont être déviés par l’hydrogène et la mesure de leur énergie et de leur direction après le passage dans le nuage permet d’estimer la taille des noyaux d’hydrogène, c’est-à-dire des protons.
La deuxième méthode, plus récente, est basée sur une méthode de spectroscopie d’hydrogène dans laquelle on vient envoyer une petite impulsion laser sur un atome d’hydrogène de manière à faire « sauter » l’électron dans le niveau d’énergie supérieur. Cet électron va ensuite « retomber » dans le niveau d’énergie du dessous en émettant à son tour un photon. En mesurant ce photon en fonction de l’impulsion laser envoyée initialement, on peut alors déduire le rayon du proton. Cette expérience peut se réaliser en utilisant de l’hydrogène classique (1 proton et 1 électron) mais aussi en utilisant de l’hydrogène muonique (l’électron est remplacé par un muon, une autre particule élémentaire assez similaire à l’électron mais plus lourde). Cette dernière solution s’avère plus précise car dans ce cas, le muon est plus proche du proton constituant le noyau de l’hydrogène muonique et la mesure du « saut » est alors plus précise. Deux instituts ont réalisé de telles mesures (PSI en Suisse en 2010 et l’université de York au Canada en 2019) qui aboutissent toutes deux autour de cette valeur plus faible de 0,84 femtomètre et qui semblerait être la bonne.