Physique Environnement

La physique des avalanches

Il y a un peu plus de 10 ans, j’avais rédigé ce billet au sujet du fonctionnement des Appareils de Recherche de Victimes en Avalanches (ARVA) mais je ne m’étais pas penché sur le phénomène physique des avalanches, voici chose réparée aujourd’hui…

Une avalanche, c’est quoi ?

Tout le monde a une idée plus ou moins claire de ce qu’est avalanche : beaucoup de neige qui dévale d’un coup un pan de montagne et pouvant tout ensevelir sur son passage : rochers, arbres, voitures, maisons, et êtres vivants… En France, dans les 40 dernières années, les accidents mortels à la suite d’une avalanche sont plutôt stables (une trentaine de morts par an) mais on peut observer de grands écarts d’une année sur l’autre selon les conditions de neige qui peuvent s’avérer défavorables certaines années. Il est donc crucial de comprendre comment les avalanches se déclarent et de pouvoir quantifier le risque selon les conditions locales observées dans chaque massif. Comprendre ces phénomènes et les prévenir devient alors un enjeu important pour les scientifiques et les adeptes des sports de montagne en hiver.

Distribution annuelle du nombre d’accidents mortels et de décès par avalanche et courbe des moyennes glissantes des décédés sur 10 ans, toutes activités – France – 1980-2018. (source : ANENA)

Il existe plusieurs types d’avalanches et les causes de déclenchement peuvent être variées (naturel, involontaire par un skieur ou volontaire par un professionnel avec des explosifs) mais on peut retenir trois grands types d’avalanches :

  1. Avalanche de poudreuse: neige fraiche et froide tombée récemment en grande quantité. Cette dernière couche étant alors non stabilisée sur les couches sous-jacentes plus anciennes, une faible perturbation peut amener cette couche « à partir » si la pente est suffisamment forte. Ce sont des avalanches généralement impressionnantes et dévastatrices, produisant beaucoup d’aérosols dans l’air, soufflant tout sur leur passage, jusqu’à 400 km/h !
  2. Avalanche de plaque à vent : La hantise des skieurs de randonnée (représente 80 % des accidents). Lors des épisodes venteux, le vent transporte la neige fraiche légère dans les pentes à l’abri du vent sous forme de plaques instables, en équilibre au-dessus de la neige fraiche. Lors du passage d’un skieur, la plaque est légèrement surchargée et peut alors de décrocher et partir d’un coup avec le skieur.
  3. Avalanche de printemps : Avec la fonte en fin de saison, les différentes couches de neige s’alourdissent jusqu’à glisser sous leur propre poid. Souvent massives et plutôt lentes, elles entrainent rarement des morts mais peuvent occasionner de gros dégâts matériels (maison, voitures, route, etc.) à cause de leur masse très importante.

Les trois types d’avalanches : poudreuse, plaque à vent, printemps.

Modéliser la neige

La science qui s’intéresse à l’étude de la neige et des avalanches s’appelle la nivologie et est encore une science très jeune. Un des laboratoires les plus avancés dans le monde sur ce domaine est le laboratoire de glaciologie de Grenoble, rattaché désormais à l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Grenoble. De nombreux chercheurs cherchent à modéliser le manteau neigeux de manière à comprendre comment se succèdent les différentes couches de neige et comment elles évoluent lors de l’hiver. Il faut bien comprendre que le manteau neigeux peut être plus ou moins fragile selon son histoire et les conditions environnantes.

Une des difficultés est qu’il existe beaucoup de neiges différentes avec de nombreuses propriétés. Une neige est caractérisée par son âge, sa structure, sa température, son humidité, sa densité, etc. Par exemple, une neige fraiche vers -3 degrés sera plutôt constituée de petit cristaux en étoile, sera très légère (~30 à 50 g/litre) et plutôt seiche alors qu’en fin de saison, cette même neige sera sous forme de grains lourds et humides avec une densité de plus de 500 g/litre. Pas besoin de vous faire un dessin pour vous convaincre que ces deux types de neige ne fonctionnent pas du tout de la même manière.

Premièrement, il existe plusieurs types de flocon de neige selon la température et ce qu’on appelle la sursaturation de l’eau. On peut alors trouver des étoiles, des plaquettes ou des colonnes, voir la figure ci-dessous. Si vous voulez voir de belles photos de flocons, je vous conseille ce site.

Les différents types de flocons de neige (Source : ibbrecht K.G., The physics of snow crystals).

Ensuite, la neige se transforme au sol au cours de sa vie en fonction de son environnement (température, exposition d’ensoleillement, vent, humidité, etc.). Les scientifiques doivent alors modéliser les différents types de neige accumulés et leur évolution en fonction de la météo pour pouvoir prévoir la stabilité du manteau neigeux et donc le risque qu’une avalanche se déclare. On comprend rapidement que la tache est complexe et que pour faire un pronostic fiable, les mesures sur le terrain sont essentielles.

Une des techniques les plus simples et efficaces est de découper une tranche du manteau neigeux et de l’examiner : on obtient une coupe constituée d’une succession de strates qui peuvent parfois glisser les unes sur les autres : c’est exactement ce qui se passe dans certaines avalanches où une couche de neige récente glisse sur la couche du dessous. Pour déclencher ce glissement, rien de plus simple : il suffit d’avoir suffisamment de pente et la gravité fera le reste. En gros, plus le glissement aura lieu avec une pente faible, plus le risque avalanche sera élevé.

Modéliser les avalanches

Grace aux outils modernes de calcul et à nos connaissances physiques, il est désormais possible de modéliser informatiquement une avalanche mais cela reste toujours très compliqué du fait que de nombreux phénomènes physiques interagissent entre eux. De plus, les équations servant à décrire les différents types d’avalanches et leurs régimes d’écoulement (la manière dont la neige se déplace pendant l’avalanche) ne sont pas les mêmes et peuvent évoluer dans le temps. En effet, les aérosols qui se propagent dans l’air au fur et à mesure peuvent être assimilés à un écoulement de fluide peu dense turbulent alors que l’écoulement d’une sous-couche dense qui se fragmente lentement en plus petits morceaux en dévalant la pente est un régime d’écoulement granulaire de collision qui n’a rien à voir.

Section schématique d’une avalanche de neige sèche complètement développée. Les flèches courtes indiquent les flux de masse dominants entre les couches. (Source : D. Issler et M. Naaim. Dynamique et modélisation des avalanches)

Une des principales applications de ces simulations numériques est la mise en place de protections anti-avalanches (les paravalanches) de manière à sécuriser des portions de montagnes sujettes aux avalanches et qui sont plutôt fréquentées. Voir cette vidéo simulant la propagation d’une avalanche contre un obstacle :

Désormais, toutes les grandes études d’implantations de paravalanches sont préalablement validées par des simulations informatiques plus ou moins sophistiquées. Avec le réchauffement climatique, des zones jusqu’à présent protégées peuvent se retrouver dans une zone à risque et les simulations sont également une aide utile dans ce genre de situation pour protéger des habitations.

Paravalanches à Tignes

Le Bulletin d’estimation du Risque Avalanche (BRA)

Toutes ces recherches scientifiques ont permis la création d’un code unifié en France pour quantifier le risque avalanche et informer les usagers. C’est Météo France qui publie ce bulletin chaque jour vers 16h et qui indique le niveau de risque (entre 1 et 5) pour chaque massif (lien Météo France du BRA). On retrouve ces mêmes pictogrammes dans les villages de montagne pour informer la population du risque en cours.

Risque avalanche des massifs dans les Alpes du Nord ce dimanche 5 décembre 2021 (mieux vaut rester à la maison écrire un billet de blog 😊).

About the author

La science pour tous

Ingénieur au CERN (Organisation Européenne pour le Recherche Nucléaire) à Genève, Suisse.

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