L’accélération plasma est devenue une technique très à la mode en physique des particules car prometteuse pour l’avenir, mais que ce que cache exactement derrière ce terme ?
En effet, ce type d’accélération s’oppose aux accélérateurs « conventionnels » où les particules sont accélérées par des cavités radiofréquences au sein d’accélérateurs gigantesques (et donc onéreux) de plusieurs dizaines de kilomètres pour les plus grands. Dans l’accélération plasma, fini les cavités radiofréquences ! Les particules sont accélérées par le sillage (wakefield en anglais) laissé par une particule dans un plasma et cela permet de réduire la taille des accélérateurs par un facteur d’au moins 500! La réduction de la taille et donc du coût de ces accélérateurs, en font d’excellents candidats pour les applications industrielles et médicales de demain mais il reste encore du chemin à parcourir…
Un peu d’histoire
Le concept a été imaginé à la fin des années 70 à l’université de Californie (UCLA), voir ce papier de Tajima et Dawson. Les premiers prototypes ont vu le jour dans les années 80 et se sont révélés prometteurs. Après plus de 30 ans d’expériences et d’idées nouvelles, plusieurs grands centres de recherche, aux Etats-Unis principalement, ont réussi à atteindre des énergies relativement importantes, de l’ordre du GeV (Giga Electronvolt) sur de petites distances tout en ayant une bonne répétabilité des expériences. Tous les grands centres de recherche en physique planchent aujourd’hui sur cette « nouvelle » technique.
Le principe
Tout d’abord, rappelons qu’un plasma est un état de la matière où les électrons se meuvent librement. Cela se produit en général dans des gaz chauffés à haute température (plus de 2000 degrés) ou exposés à de très forts champs magnétiques. L’état plasma est en fait l’était de la matière le plus commun dans l’univers car les étoiles sont des plasmas. Sur terre, on peut citer les éclairs et les néons qui sont aussi des plasmas.
Un plasma, vu de loin, est électriquement neutre: il y a autant de charges négatives dues aux électrons que de charges positives dues aux ions. Cependant, si on arrive à séparer les électrons des ions localement, on peut créer un champ électrique important sur une très faible distance et donc accélérer des particules. Pour séparer les électrons des ions longitudinalement, il existe plusieurs techniques pour former un sillage dans le plasma, créant ainsi localement d’importants champs électriques. Ce sillage peut être provoqué par plusieurs types de particules traversant le plasma :
- Un paquet d’électrons
- Un paquet de protons
- Une impulsion laser (un paquet de photons)
Aux Etats-Unis : Laser-Plasma
La plupart des expériences aux Etats-Unis s’intéressent à l’accélération laser-plasma car plus simple à mettre en œuvre et jugée plus prometteuse pour les applications. En effet, il parait plus simple et plus économique de mettre en place un LASER très puissant, plutôt qu’un autre accélérateur de particules en amont pour fabriquer le sillage. Citons quelques réussites d’accélération laser-plasma aux Etats-Unis :
- Au LBNL (Lawrence Berkley National Laboratory): des électrons sont accélérés à 1 GeV en 3,3 cm.
- A l’université du Texas (Austin): des électrons sont accélérés à 2 GeV en 2 cm (c’est le record actuel).
- Au SLAC : un gain de 40 GeV est apporté à un faisceau d’électrons en seulement 85cm.
Le LBNL a produit un faisceau d’électrons de 1GeV sur 3.3 cm. © Lawrence Berkeley National Laboratory.
A titre de comparaison, il faut aujourd’hui compter environ 65 mètres pour accélérer des électrons à 1 GeV avec les techniques traditionnelles (cavités radiofréquences), on voit bien ici l’immense potentiel de l’accélération plasma pour les applications industrielles et médicales.
Au CERN : AWAKE
Quant au CERN à Genève (Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire), une nouvelle expérience est en train de voir jour sur cette thématique qui s’appelle AWAKE (Advanced Wakefield Acceleration). Ici, c’est un faisceau de protons provenant d’un accélérateur classique de 7km (le SPS) à 400 GeV qui va venir créer le sillage dans un plasma pour accélérer des électrons sur une dizaine de mètres jusqu’à une énergie de 1 TeV. Cette énergie (1TeV = 1 000 GeV) est mille fois plus importante que les autres expériences d’accélération plasma mais n’oublions pas qu’ici la source pour créer le sillage provient d’un accélérateur classique de 7 km de circonférence tout de même… Cette technique, encore jamais expérimentée, sera ici mise sur pied pour la première fois dans l’objectif de remplacer les cavités radiofréquences classiques des futurs grands accélérateurs de particules (on en est encore très loin, mais il faut bien commencer quelque part !).
Schéma général de l’expérience AWAKE. © CERN.
Vous constaterez tout de même la présence d’un LASER dans cette expérience AWAKE car les paquets de protons doivent être du même ordre de grandeur que la longueur d’onde du plasma et il faut donc les « découper » à la bonne taille. C’est avec un puissant laser qu’on va réaliser cette tâche : chaque paquet du SPS va être divisé en environ une centaine de plus petits paquets en utilisant une instabilité d’auto-modulation dans le faisceau de protons. Voir cette vidéo qui vaut toutes les explications du monde.
AWAKE réutilise des installations souterraines existantes au CERN qui hébergeaient auparavant CNGS (expériences sur les neutrinos vers Gran-Sasso). Cependant, deux nouveaux petits tunnels sont en train d’être excavés dans la zone existante pour héberger la ligne LASER ainsi que la source d’électrons. Si tout va bien, les premiers électrons devraient être accélérés fin 2016.
Excavation d’un nouveau tunnel pour AWAKE. © CERN.
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[…] est revenue à la mode au CERN dans le cadre du projet AWAKE dont j’ai déjà parlé dans un article précédent. Le photo-injecteur PHIN a ainsi été donné à AWAKE en 2017 et les photocathodes fabriquées […]