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Le temps existe t-il ?

Je ne choisi pas ce titre au hasard, c’est le titre d’une conférence à laquelle je viens d’assister. Une conférence organisée par le CERN à Genève ou je travaille, faite par Etienne Klein, Directeur du Laboratoire de Recherche sur les Sciences de la Matière du CEA. Je me suis dis qu’une petite synthèse de cette conférence ferait un article fort intéressant.

Le temps est un mot que tout le monde comprend, qui existe dans toutes les langues, que tous les gens utilisent toute la journée mais qu’est-ce que le temps exactement ? Le gros problème, c’est justement que donner une définition du temps est impossible ! Pour donner une définition d’un mot, il faut utiliser d’autres mots qui ne découlent pas du terme a définir, or, pour le temps, on utilise nécessairement les notions de chronologie, de temporalité, de passage du temps, il y a toujours référence à un « avant » et un « après » qui découlent directement du principe du temps. Le problème est posé, on se retrouve nécessairement avec une tautologie, le temps ne peut se définir que par lui-même. On utilise souvent la métaphore de la rivière qui coule, sûrement une des plus vieilles images que l‘homme a inventée (depuis l’antiquité grecque). Le problème dans cette métaphore est qu’une rivière possède un lit qui est immobile et qui la contient, on peut donc la voir couler à partir de la berge et mesurer sa vitesse, de plus la rivière possède une source et vient se déverser dans quelque chose d’immobile qui ne s’écoule pas, pour faire une analogie avec temps, ce n’est pas chose aisée. Le temps devrait avoir une origine, posséder un support et se terminer dans quelque chose d’intemporel. Etienne Klein nous propose une autre métaphore, celle d’une prison roulante. Nous sommes enfermés dans une prison qui représente le temps, nous ne pouvons nous échapper, nous ne pouvons pas la contrôler ni mesurer sa vitesse mais juste ressentir le fait qu’elle avance indéfiniment dans la même direction. Reste la question du moteur, qu’est-ce qui fait avancer la prison, le temps ?

Le temps intervient en physique avec Galilée, vers 1590, avec sa théorie sur la chute des corps. C’est à ce moment, qu’on va voir apparaître la fameuse variable temporelle : « t ». En passant, Galilée n’est jamais allé à Pise jeter des pierres du haut de la tour comme le veux la légende, il est arrivé dans un premier temps à sa découverte uniquement avec une expérience de la pensée que voici. Jusqu’à Galilée, Aristote (IVème siècle av JC) avait instauré le fait que les corps tombaient à une vitesse proportionnelle à leur masse et personne n’avaient remis cette observation en cause. Effectivement, si vous laisser tomber de votre hauteur une boule de pétanque et une balle de tennis, la boule de pétanque arrive légèrement avant la balle de tennis car la hauteur est peu élevée et il y a des frottements avec l‘air, nous ne sommes pas dans le vide. Mais Galilée dit la chose suivante, si on forme un nouveau système boule de pétanque + balle de tennis en les attachant avec une corde, ce nouvel ensemble est plus lourd que la boule de pétanque seule, l’ensemble ainsi formé devrait donc tomber plus vite que la boule de pétanque seule. Or, si on réfléchit un peu, la balle de tennis tombe moins vite donc elle va freiner la boule de pétanque via la corde, ainsi, le système global tombe moins vite que la boule de pétanque seule. Conclusion : Aristote à tort et la chute des corps est indépendante de la masse. Dans cet exercice Galilée ne considérera plus une durée comme ses prédécesseurs mais bien le temps en tant que variable, qui sera alors absolue. Voilà pour la petite histoire et l’introduction du temps dans la physique.

Très vite, on assimilera le temps à une droite continue, pas une boucle qui se referme sur elle-même pour respecter la notion très importante de causalité. Ce principe mérite que l’on s’attarde un peu. Le principe de causalité dit qu’une action faite à un instant « t » (la cause) ne peut entraîner des conséquences que dans le futur. Un événement ne peut en aucun cas avoir d’effets rétroactifs et modifier un événement qui lui est antérieur. Ce principe paraissant évident ne l’est pas forcément dans la science dite moderne, particulièrement en relativité restreinte ou en mécanique quantique. Si la vitesse de la lumière est finie dans la relativité restreinte d’Einstein, c’est uniquement pour ne pas violer ce principe de causalité. La relativité change notre vision sur l’instantanéité des évènements. Attention, cela peut être assez subtil, prenons un exemple :

Soit le dispositif suivant : un bouton est relié à 2 lampes situées à égales distances. Lorsque l’observateur A, situé au milieu des 2 appuie sur le bouton, il voit les 2 lampes s’allumer exactement en même temps, les 2 évènements sont instantanés sur la droite du temps. Si à cet instant un autre observateur passe très vite devant ces 2 lampes de la gauche vers la droite (observateur B), il voit la lampe 1 s’allumer AVANT la lampe 2 et si un autre observateur passe de la droite vers la gauche (observateur C) alors il voit la lampe 1 s’allumer APRES la lampe 2. On pourrait penser qu’ici le principe de causalité n’est pas respecté car les personnes B et C perçoivent des évènements dans des sens inverses sur la droite du temps, comme si le temps était inversé. Or, ce n’est pas le cas, Einstein nous dit, que chaque personne possède son propre référentiel temporel, il n’y a pas de temps absolue, on ne peut pas comparer des évènements entre différents référentiels (voir paradoxe des Jumeaux de Langevin). Dans ce cas, il n’y a pas d’événement rétroactif qui vient modifier le passé de chacun, le principe de causalité est donc respecté pour chaque observateur.

Autre exemple :

Cette fois-ci lorsque le bouton est enfoncé, la lampe 1 s’allume et le fait que la lampe 1 s’allume déclenche un nouveau signal qui va aller allumer la lampe 2. L’observateur A va donc voir la lampe 1 s’allumer AVANT la lampe 2, tout comme l’observateur B. Concernant l’observateur C, si ce dernier va suffisamment vite, il verra la lampe 1 s’allumer APRES la lampe 2 et dans ce cas le principe de causalité ne sera pas respecté car c’est l’événement « lampe 1 allumé » qui a pour conséquence d’allumer la deuxième lampe. Pour conserver le principe de causalité ici, il y a une condition : que la vitesse de l’observateur C soit inférieure à la vitesse de la lumière dans le vide, et dans ce cas, il verra bien la lampe 1 s’allumer AVANT la lampe 2 et le principe de causalité sera respecté : Relativité restreinte !

 

Maintenant le principe de causalité introduit, il y a des confusions a ne pas faire. En thermodynamique, on parle sans cesse de la « flèche du temps ». Une personne normalement constituée pense que la « flèche du temps » correspond à l’écoulement du temps dans une direction… Or cela n’a rien à voir, la « flèche du temps » ne correspond en aucun cas au déroulement temporel. Cette dernière définie le sens dans lequel s’effectue des transformations, des changements. C’est elle qui introduit le deuxième principe de la thermodynamique qui stipule qu’il existe des transformations réversibles et d’autres irréversibles (l’entropie ne peut que augmenter, jamais diminuer). Par exemple vous pouvez faire un pas à gauche puis faire un pas à droite pour retrouver votre position d’origine. Dans ce cas, il y a réversibilité de la flèche du temps, le phénomène physique inverse est faisable, comme avec des boules de billards, si vous filmez 2 boules de billard s’entrechoquer et que vous repasser le film en marche arrière, rien de choquant n’apparaît car les équations mécaniques de Newton sont réversibles dans le temps, elle sont invariables par translation temporelle (si vous remplacer « t » par « -t » dans l’équation, ça ne change rien). Dans les phénomènes réversibles, un système peut retrouver un état antérieur dans le futur, et non pas revenir dans le temps comme on pourrait parfois le penser. En thermodynamique, beaucoup de transformations sont irréversibles. Par exemple, si vous mélangez du lait dans votre café, les deux vont parfaitement se mélanger naturellement dans le temps mais essayer donc de voir se séparer votre lait et votre café dans votre tasse naturellement, ce n’est pas près d’arriver. Ici la flèche du temps défini un ordre temporel à respecter, un enchaînement d’états qui possède un sens et le système ne peut revenir à un état antérieur dans le futur.

Ce qui est également étonnant c’est que dans toutes les cultures primitives, lors du récit de la création du monde, le temps est toujours le premier éléments qui apparaît. La question évidemment qu’on a envi de poser c’est « Y a t-il un début et une fin au temps ? » Question qui, à mon avis, ne sera jamais résolue pour la bonne et simple raison que toute réflexion philosophique sur ce sujet entraîne des tautologies ou des contradictions. Si avant que le temps ne débute il y avait un « néant » sans temps, combien de temps s’est écoulé avant de créer le temps ? Question idiote bien entendu. De plus, concernant l’existence d’un néant, à un moment ou à un notre, il a cessé d’exister (la preuve est que ce blog n’est pas le néant par exemple) donc il contenait en lui une possibilité de sortir de son propre néant, donc un objet qui possède une possibilité de faire quelque chose, c’est l’inverse du néant. Conclusion : Le néant n’a jamais existé !

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La science pour tous

Ingénieur au CERN (Organisation Européenne pour le Recherche Nucléaire) à Genève, Suisse.

15 Comments

  • et bien et bien. en voilà de l’information fort intéressante. je dirai tout simplement : merci de nous éclairer. c un plaisir de te lire bien qu’un peu complexe par moment…

  • alors voilà, je viens de lire sur un forum scientifique une nouvelle qui a retenue mon attention. je ne sais pas si tu en as entendu parlé. des scientifiques auraien téléporté objet aurait été. donc apparemment, la téléportation ça y est, c’est fait. je ne sais pas vraiment quoi penser de ça mais je suis intrigué. et surtout je me dis qu’à ce moment là, ça remet en question certaines notions quant au temps justement.

  • Je n\’ai pas trop le temps en ce moment de faire des recherches et d\’écrire des articles mais concernant la télétransportation, il faut rester très prudent et ne pas faire d\’analogie avec une télétransportation "star trek". Il y a déjà un bon moment, une équipe avait réussi à télétransporter des photons (en 97) puis des atomes en 2004 mais ce sont des procédés quantiques qui utilisent des paires de particules intriqués et on est pas pret de passer à un stade supérieur. Pour télétransporter "un objet" (j\’entend par là quelque chose de visible à l\’oeil nu) qui est composé de milliards de particules il faudrait déjà tout "scanner" et pour cela, le temps nécessaire serait de quelques milliers d\’années au vu des ressources informatiques disponibles. Si ton article parle d\’un "OBJET macroscopique" c\’est à mon avis un gros canulard, par contre télétransporter des atomes, oui, ca pourrait etre une excellente idée d\’article pour les vacances de noel…Quant à la notion avec le temps, il faut regarder la propagation de l\’information lors de la télétransportation. Elle s\’effectue plus vite que la lumière ou pas lors de l\’intrication entre 2 particules…? C\’est ici le paradoxe d EPR formulé en 1935 et résolu par Alain Aspect en 1982 qui dit que oui, la mesure sur une des 2 particules intriquées entraine INSTANTANEMENT la connaissance de l\’autre. Pour plus d info, voir les dossiers  de la revue La Recherche n°18, Fevrier 2005.

  • Je me suis souvent posée bcp de question sur le temps , on vit en europe speedé par le temps alors que en Afrique ou Amérique latine c’est si différent… merci de tes presicion car je suis plutot philo sur le temps …le temps qui passe …une prison de grain de sable ou de rouages ….

  • salut  chapitresBenjamin,je te relis avec plaisir, cet article sur le temps est une excellente présentation des problèmes sémantiques et scientifiques que porte la notion de temps…le DVD de Marc Lachièze Rey et Etienne Klein: " quels temps font-il ?"  éditions de CNRSest une référence à ne pas manquer de voir et revoir sur le sujet.amitiés Jean Marie

  • Merci à vous d’avoir résumer cette conférence…Etienne Klein est un très grand conférencier et ses conférencs sont toujours agréables à suivre…le site internet de l’Université de tous les savoirs propose justement cette conférence dans son intégralité…A voir et revoir !

  • Bonjour,Tout d’abord merci d’avoir résumé cette trés interessante conférence d’etienne Klein. De plus en plus de personnes s’interessent sur ces nouvel notions, qui elles mêmes avance de plus en plus, vers « la connaissance ».j’aurais aimé connaitre ton avis, quant aux scientifiques, qui pensent que le temps est une création du cerveau humain, du fait qu’il peut mémoriser des informations, intéragir avec son milieu présent et enfin pressentir des évenements (passé, présent, futur).De plus, j’aurais aimé avoir des informations, sur le temps causal, évoqué dans cette conférence, a savoir les différence entre le temps causal et le temps physique?Enfin, d’autres scientifiques, pensent, quant a eux, à un espace géométrique, en mouvement qui générerait un temps absolu. Mais existe il vraimmant un temps absolu, un temps cosmologique? mais alors quand n’est il des phénomènes de simultanéité??Merci de tes réponses

  • concernant le temps, il faut dire qu’il fait un temps dégeu en ce moment…LOL.Non plus sérieusement, je pense que le temps bien quele temps soit une « grandeur physique », et tres utile ( causalité…ETC…), cela reste une garndeur inventée par l’esprit pour donner un sens au « sens » des évenement, et à la fameuse « flèche du temps ».Je m’explique: pour moi la notion du temps est équivalent à la notion de « l’infinie », comment définir l’infinie, sans evoquer ce qu’est le « fini », même probleme de sémantique et de tautologie. L’infini n’existe que par rapport à quelque chose de fini, par rapport à une mesure concrete de masse, distance ou « temps défini ». Or ce qui existe et qui peut se « definir » c’est L’INSTANT. INSTANT T, qu’on peut isoler et concretiser par rapport à d’autres grandeur. Le temps n’est qu’une suite, une accumulation d’instants, comme il n’a acune réalité intrasèque, c’est une vue de l’esprit pour donner un sens à cette suite d’instants T, et qui permet à l’esprit de donner un « sens » à l’évolution des phénomenes. Volià pourquoi on ne peut en donner une définition vérbale sans s’y referer, car  le temps en lui même ne représente rien de plus qu’une « suite ». CE QUI EXISTE , ce n’est pas le temps en lui même mais une succession « d’instants ». De cette manière, on pourrait donc définir le temps, par une corrélation, une continuité d’instants précis T, et donc nul besoin de se réfererà ce qu’il y avait avant le temps, càd le « neant » qui aussi est une vue d’esprit, (comme la notion de 0 en mathématique qui est tres tres utile mais ne correspond à rien de réel),  car avant le temps il n’y avait qu’un INSTANT FIGé si je puis dire, et donc pas de « temps ».Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, mais il faudrait beaucoup de « temps » pour en débattre………Merci. 

  • ah, juste pour préciser, que ds « l’instant », le temps n’existe pas, ds un « instant », il n’y a pas d’avant ni d’aprés », l’avant et l’après d’un instant sont d’autres instants eux même dépourvus de « temps qui s’ecoule », le temps est le déoulement de ces instants, qui eux sont réelement une « entité » physique……….Voilà,

  • bonjour…plus vaste sujet!je pense qu’il est vain d’abordé une definition du  temps sans emettre l’hypothese qu’il ne fasse qu’un avec la gravitée,et vous verrez que tout iras mieux,beaucoup mieux…! mais bon rendez vous dans 20 ans si tout va! 

  • Bonsoir,Je voudrais savoir si vous pouviez aider ma fille  qui est en 1ère S et qui a choisi de faire son TPE sur le pacemaker.Elle a beaucoup de renseignement au niveau du coeur mais elle ne trouve pas le fonctionnement de la pile à lithium-ion.En effet,sa partie SVT est quasiment faite mais pour la partie physique elle voudrait expliquer la pile à ion et nous n’avons rien trouvé sur internet!!Nous vous en remercions d’avance.CordialementValérie

  • bonjour et bravo pour tout
    Dans le cas de la rivière, si on considère qu’elle commence à exister à la source, la source est son Big Bang, mais l’eau qui la crée existait avant le big Bang. N’est-ce pas une image du temps
    d’avant le temps ?
    suisje stupide ?

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