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Newton : calcul différentiel, gravité et optique

Voici un livre que je préconise à tout amateur d’Histoire des sciences : Isaac Newton, un destin fabuleux, de James Gleick aux éditions Quai des Sciences.

Cette biographie de l’illustre Newton nous replonge dans l’Angleterre du milieu du 17ème siècle encore moyenâgeuse où un homme d’origine modeste et destiné à être fermier dans la campagne environnante de Cambridge a révolutionné la Science. De mon point de vue, Newton a révolutionné les sciences dans le sens où c’est lui qui a séparé science et philosophie en deux approches bien distinctes, l’une basée sur la démonstration mathématique et l’autre basée sur la pensée et la réflexion. Newton fut certainement le dernier à cumuler les rôles de magicien, alchimiste, philosophe, métaphysicien, théologien, mathématicien et physicien. Après Newton, ce fut le siècle des lumières avec ses philosophes d’un coté  (Diderot, Rousseau, Voltaire, etc.) et ses scientifiques de l’autre (Euler, Bernoulli, Laplace, Lavoisier, etc.).

Dans ce billet, je veux simplement aborder brièvement les 3 principales avancées dues à Newton dans les sciences, à savoir le calcul différentiel, la mécanique et l’optique mais il faut souligner que Newton a passé une très grande partie de sa vie (et sûrement la plus grande partie de sa vie) à étudier l’alchimie ainsi que les différentes versions de la bible pour en retrouver les origines fondamentales.

Les Principia MathEmatica

La rédaction de son œuvre majeure et publiée pour la première fois en 1687 à Londres sont les Principes mathématiques de la philosophie naturelle (plus communément appelées Principia Mathematica). Ces Principia Mathematica abordent un grand nombre de sujets dont la célèbre théorie mécanique de Newton, en incorporant la théorie de la gravité universelle. Ces volumes furent réellement le point de départ de la physique moderne en se basant sur l’explication des phénomènes naturels par leurs mises en équations mathématiques, sans en expliquer leur origine métaphysique ou leur cause, c‘est ce que nous appelons aujourd’hui la Physique.

Première édition des Principia Mathematica avec les annotations manuscrites de Newton conservée à la bibliothèque Wren de Cambridge (1687)

Les Principia Mathematica ont été au début très peu diffusés en dehors de l’Angleterre (une centaine d’éditions seulement avaient été éditées) et il a fallu attendre le milieu du 18ème siècle pour avoir accès à ces 3 volumes fondateurs dans le reste de l’Europe comme par exemple avec la traduction française fameuse de Emilie du Châtelet en 1756 (Miss « Pompon Newton » selon Voltaire). J’ai moi-même eu la chance de tenir entre mes mains et de consulter une édition des Principia Mathematica de 1740 conservée à l’université de Valladolid en Espagne à la bibliothèque historique de Santa Cruz. Avec cette publication, Newton devint un des pères fondateurs de la physique, provoquant une rupture avec la Grèce antique d’Aristote et le cartésianisme de Descartes qui prévalaient alors comme références incontestables jusqu’à Newton.

Le calcul infinitésimal

Au milieu du 17ème siècle, les mathématiciens ne savaient guère appréhender les infinis, grands ou petits. Newton s’attaque à ce problème lors de la grande peste de Londres qui fait rage en Angleterre en 1665-1666 et aboutit à une méthode du calcul infinitésimal vers 1669. Malheureusement, il préfère ne pas publier ses résultats. Ce nouveau mode de calcul permet à Newton de calculer la pente (la tangente) de n’importe quelle courbe ainsi que son aire. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le calcul différentiel et intégral. Ces mêmes opérateurs permettront à Newton d’établir les relations nécessaires entre position, vitesse et accélération en mécanique (à moins que ce ne soit la mécanique qui l’ait amené à trouver le calcul différentiel). Il introduit alors la notation de la dérivée à l’aide d’un point au dessus des lettres (notation encore parfois utilisée).

Au même moment, en Allemagne, Leibniz invente également en 1674 et de manière indépendante le calcul différentiel à la différence qu’il mettra en place un système de notation extrêmement ingénieux et qui est toujours utilisé aujourd’hui : il notera la dérivée avec un « d » droit ou un Delta grec pour représenter une différence infiniment petite et le « S » allongée pour l’intégrale. Une bataille entre Newton et Leibniz fera alors rage pour revendiquer cet outil mathématique extrêmement puissant et constituant la base de l’analyse (la discipline mathématiques étudiant les fonctions).

Mécanique

La mécanique newtonienne est aujourd’hui la théorie mécanique la plus utilisée pour les problèmes courants des ingénieurs permettant de calculer les trajectoires, les vitesses et les accélérations lorsque les vitesses mises en jeu sont faibles devant la vitesse de la lumière (après c’est la relativité d’Einstein qui prend le relais).

Le centre de la mécanique développée par Newton est bien entendu la théorie de la gravitation universelle. Elle est qualifiée d’universelle car elle s’applique à tous les objets ayant une masse, du grain de sable au Soleil en passant par les pommes et la Lune: elle explique la trajectoire des boulets de canons, la rotation des planètes autour du Soleil et le mouvement des marées sur Terre à cause de la Lune.

Newton par Noémie

Newton comprend pour la première fois que plus la masse est grande, plus l’attraction est forte et qu’il est bien question d’attraction et non de pulsion comme il était alors question à l’époque. Newton révoque irrémédiablement la théorie de l’éther et des tourbillons de Descartes et clame que cette force d’attraction se propage dans le vide, ce qui déplaît fortement à l’époque. De plus, Newton ne donne pas d’explication de cette force mystérieuse qui s’exerce à distance (en passant, la transmission de la gravité est toujours un mystère et demeure la force la moins bien comprise). Newton identifie également que cette force est inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare les objets et retrouve les conjectures de Kepler par le calcul comme quoi les planètes décrivent une trajectoire elliptiques autour du Soleil. Il effectue même des corrections aux trajectoires de Kepler et permet à Edmond Halley en 1682 d’annoncer le prochain passage d’une comète en 1738 (soit 76 ans plus tard) qui deviendra la comète de Halley, la théorie de Newton sera alors à son paroxysme et fera l’unanimité sur le continent.

Optique

Newton était attaché à une théorie atomique de la lumière, à l’inverse de Huygens qui défendait une théorie ondulatoire (ils avaient en fait tous les deux raison selon la théorie quantique). La théorie défendue par Newton lui vaudra de nombreux débats et controverses à l’Académie Royale de Londres mais Newton fut le premier à comprendre que la lumière blanche était en fait une composition de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel puisqu’en passant dans un prisme, la lumière blanche se décomposait en des pinceaux de lumière de différentes couleurs et qu’il était alors impossible d’en extraire de la lumière blanche à nouveau (on pensait alors que c’est le prisme qui fabriquait les autres couleurs).

Fort de cette théorie, Newton pensait que les télescopes de l’époque utilisant des lentilles (lunettes de Galilée) étaient limités du fait que les couleurs n’étaient pas déviées de la même façon dans les lentilles incurvées. Il inventa alors un nouveau télescope, qualifié de Newton aujourd’hui, utilisant un miroir courbe et permettant un grossissement identique avec un télescope beaucoup plus compact qu’avec les lunettes de Galilée.

 

Un télescope Newton monté sur une monture équatoriale

Pour conclure

Je citerai simplement cette épitaphe et Alexander Pope (1730) pour conclure ce billet :

La Nature et ses lois
Restaient cachées dans la nuit
Et Dieu dit « Que Newton soit ! »
Et alors tout s’éclaircit.

About the author

La science pour tous

Ingénieur au CERN (Organisation Européenne pour le Recherche Nucléaire) à Genève, Suisse.

5 Comments

  • J’ai lu également un autre ouvrage, d’un tout autre genre, sur la vie de Newton : ‘La perruque de Newton’, de Jean-Pierre Luminet. C’est un roman, qui resitue une vie possible de Newton dans son contexte historique, personnel et scientifique. Un des aspects qui ressort était que Newton était génial, mais carrément pas sympathique…

    C’est également son caractère antipathique qui est très largement souligné par Trinh Xuan Thuan, le préfacier de ‘Isaac Newton, un destin fabuleux’. C’est une première ironie de cette histoire. En effet, il est dit dans le billet : « De mon point de vue, Newton a révolutionné les sciences dans le sens où c’est lui qui a séparé science et philosophie en deux approches bien distinctes, l’une basée sur la démonstration mathématique et l’autre basée sur la pensée et la réflexion. ». Or, Trinh Xuan Thuan professe largement le contraire. Il est indissociable de l’UIP, qui milite activement pour le rapprochement entre sciences et religions. Maniaque des préfaces, il a d’ailleurs également commis celle de l’abominable ‘Notre existence a-t-elle un sens ?’ de Jean Staune.

    La deuxième ironie de cette histoire est que Jean-Pierre Luminet a également un temps fricoté avec l’UIP ! Mais il semble plutôt faire partie de ceux qui, comme Hubert Reeves, ont été « récupérés » par la communication de l’UIP après une participation à un colloque, comme ‘2001, L’Odyssée de l’Espace’

    C’est étonnant, mais on dirait que les astrophysiciens sont tous de grands naïfs qui avalent tout rond les bobards de Staune…

  • C’est vrai que Newton est l’un des grands génies des sciences, capable -sans disposer des symboles qui facilitent aujourd’hui le calcul- de démontrer rigoureusement la loi de la gravitation universelle à partir des trois lois de Kepler (dans une de ses leçons, Feynman reconstitue ce pur bijou de raisonnement géométrique, voir ce billet par exemple).
    Pourtant je viens de lire dans le dernier livre de Marcus du Sautoy (« La symétries ou les maths au Clair de Lune ») que ce génie aurait aussi eu ses mauvais côtés. « Newton, explique-t-il, s’intéressait aux mathématiques pour lui-même et se préoccupait peu de communiquer ses idées. Sa notation variait d’un jour sur l’autre. Il avait une vision très géométrique du monde – et c’était sa grande force- mais ses illustrations étaient parfois difficiles à traduire en langage simple ». Pendant que Leibniz développait sur le continent une notation rigoureuse et un calcul symbolique efficace qui aboutit à un puissant langage mathématique, les mathématiciens anglais furent bridés durant tout le 18eme et le début du 19eme siècle par l’infériorité de la notation Newtonienne.
    Heureusement les Anglais ont eu le temps de se rattraper (largement) par la suite…

  • Merci pour vos commentaires Tom et Xochipilli.

    Tout ce que vous dites ressort bien évidemment dans cette biographie (surtout dans la préface un peu rude): selon les observations et les propos rapportés, Newton était un homme peu fréquentable dans le quotidien et il ne souhaitait en aucun cas améliorer la connaissance de l’homme mais la sienne. On voit particulièrement bien que ses communications à l’Académie Royale ont été faites parce qu’on l’y a quasiment contraint et il ne souhaitait pas échanger ses découvertes avec des tiers. Cependant, d’un autre côté, la rédaction des Principia Mathematica montre tout de même une volonté de publication et de divulgation du savoir (à moins que ce ne soit que la reconnaissance qu’il ai recherché mais j’en doute fortement vu son caractère). Bref, on n’est jamais tout blanc, tout noir et Newton n’échappe pas à la règle à mon sens, c’est un homme avant tout, même s’il était fortement antipathique ainsi qu’un génie pour comprendre la nature.

    Quant à mon introduction en opposition à la préface de Trinh Xuan Thuan, j’ai écris cela en connaissance de cause car il y a plusieurs points où je suis en désaccord avec lui (ça n’enlève rien au fait que je le respecte et que j’ai pris plaisir à lire certains de ses livres). Certes, Newton était un théologien ainsi qu’un mathématicien/physicien, tout comme un alchimiste chevronné, mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque et Trinh Xuan Thuan essaye un peu de le faire passer pour un alchimiste fou de manière exagéré je trouve. En revanche, on ne reprocher à Newton d’avoir mélangé science, religion et alchimie, il se plongeait dans un domaine à fond en faisant abstraction du reste. Je trouve justement que les Principia Mathematica sont la preuve que Newton a su découpler correctement science et religion alors que ce n’était pas vraiment « à la mode » au 17ème siècle…

  • Il est saisissant de percevoir avec qu’elle aisance se différencie Newton : calcul différentiel, gravité et optique | La Science Pour Tous avec un sujet déjà particulièrement exposé sur la toile. Merci !

  • La référence du site web pour le suivi d’informations est incontestablement Newton : calcul différentiel, gravité et optique | La Science Pour Tous qui explique les articles avec suffisamment de simplicité.

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